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2. L'ensemble Louvre-Tuileries

2.3. Histoire du Louvre

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par Louis Hautecoeur (1884-1973)
membre de l'Institut
ancien Secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts


Communication faite à l'Académie du Second Empire pour sa commémoration du 115ème anniversaire de l'achèvement du Louvre par la réunion du Louvre aux Tuileries (1851-1857). Cette commémoration se tint le 6 mai 1972 au Palais du Louvre, alors Hôtel des Finances.

Madame la duchesse de Montmorency, Présidente de l?Académie du Second Empire, a bien voulu me demander d?apporter le témoignage de l?historien à cette cérémonie qui commémore l?achèvement du Louvre. J?ai accepté d?autant plus volontiers que j?ai passé de nombreuses années en ce palais, que j?ai découvert beaucoup des documents qui m?ont permis d?en retracer l?évolution, que j?ai toujours éprouvé une grande admiration pour Lefuel qui fut chargé par Napoléon III de terminer cette composition, que le petit-fils de ce grand architecte, Hector Lefuel, fut jadis mon très cher ami. Le mérite de Lefuel fut d?unir en un ensemble harmonieux des édifices hétéroclites d?époques et de styles différents.

L?histoire du Louvre commence en 1190, c?est à dire il y aura bientôt neuf cents ans. On peut distinguer plusieurs périodes : d?abord celle du petit Louvre qui couvrait le quart sud-ouest de la cour carrée et dont les limites sont indiquées sur le sol, puis, de 1566 à 1870 l?époque où fut formé et enfin réalisé le grand dessein des rois. Le palais depuis ce temps ne subit plus que des transformations de détails.


I - LE PETIT LOUVRE

Les origines : Philippe-Auguste


Les Anglais possédaient la Normandie qui s?étendait jusqu?à Pacy-sur- Eure, à 80 kilomètres de Paris. Ils étaient menaçants ; les parisiens se rappelaient les invasions des Normands au IXème siècle. Un châtelet avait été construit à l?extrémité du grand pont, mais la ville de la rive droite s?était développée et allait de Saint-Gervais à Saint-Germain-l?Auxerrois. Cette dernière abbaye possédait son enceinte propre et des murs avaient été construits autour de la ville. Pour arrêter les envahisseurs qui arriveraient par la Seine ou par la route Ouest-Est, qui était notre rue Saint-Honoré, le roi décida de bâtir une forteresse. Les premiers travaux durèrent de 1190 à 1215-1220 environ. La principale pièce de cette défense était le gros donjon circulaire, dont relevèrent, suivant le droit féodal, tous les donjons de France, ce qui explique que le Louvre succéda au Palais comme siège de la royauté. Ce donjon était défendu par des douves et par une chemise rectangulaire de murailles, munies de tours aux angles et aux centres. La muraille orientale continua l?enceinte nouvelle de Paris construite par Philippe-Auguste et à l?abri de laquelle s?élevèrent en ce quartier de beaux hôtels pour la famille royale. Les côtés sud vers la Seine, et ouest, vers les futures Tuileries, étaient flanqués de bâtiments qui servirent de prison pour les grands ennemis, d?arsenal où l?on fabriqua et conserva des armes, de trésor pour l?Etat.


Charles V

Après la mort de Philippe-Auguste le Louvre restera le château où réunissait la cour pour des fêtes ou des assemblées. Lorsque, au XIVème siècle, pendant la captivité de Jean le Bon, le prévôt des marchands Etienne Marcel eut ouvert les portes de Paris à Charles le Mauvais, roi de Navarre et, comme petit-fils de Louis le Hutin, candidat au trône de France contre le dauphin Charles, ce prévôt fit construire, en cas d?un retour offensif de ce dauphin, une nouvelle muraille qui longea la Seine jusqu?à notre actuel pavillon Lesdiguières et, après un angle droit, allait à travers notre carrousel vers le nord en longeant l?hospice des Quinze-Vingts. Quand Paris eut rappelé le dauphin, celui fit bâtir une vraie muraille avec des portes, si bien que le Louvre désormais se trouvait dans la ville.

Charles V s?installa à l?est de Paris, non lin de son château de Vincennes, à l?hôtel Saint-Pol, protégé par la Bastille qu?il fit construire. Toutefois il n?abandonna pas le Louvre ; il le fit surélever, comme les château de ce temps, dont les étages hauts ne pouvaient être atteints par les boulets des canons qui tiraient de plein fouet. Il demanda à Raymond Du Temple une vis qu?il fit orner de statues des membres de sa famille Il bâtit des logements contre les murailles nord et est de l ?enceinte et y installa de grandes salles où s?accumulèrent des ?uvres d?art et les manuscrits qu?énumèrent les inventaires.

Après la mort de Charles V, Paris fut occupé par les Anglais et , pendant tout le XVème siècle et au début du XVIème , les rois de France habitèrent la Touraine. Quand ils venaient à Paris ils descendaient souvent à l?hôtel des Tournelles ( emplacement de notre place des Vosges).


François Ier

A la fin de sa captivité en Espagne, François Ier décida en 1527 de demeurer dans la région parisienne et à Paris. Il fit remettre le Louvre en état, abattit le gros donjon qui lui rappelait la tour de Madrid. Le droit romain succédant au droit féodal établissait des liens personnels et non plus réels et permettait cette démolition, qui agrandissait la cour. François Ier fit décorer les intérieurs, obtint de la ville la création d?un quai, et bâtit à l?extrémité de l?enceinte de Charles V, à la place de la porte de bois, une belle porte neuve. Les travaux furent poussés lors de la visite de Charles-Quint en 1539.

Partout en France s?élevaient des châteaux dans le style de la Renaissance. En 1546 le roi chargea Pierre Lescot, un conseiller d?Etat, qui se mêlait d?architecture, de rebâtir entièrement le Louvre. Un plan conservé au musée et que j?ai identifié nous renseigne sur son premier projet : le corps de logis, construit sur l?aile occidentale élargie, contenait au centre un escalier et de chaque côté des grands salons. Cet édifice fut commencé, car nous avons retrouvé dans les sous-sols l?amorce de l?escalier, mais François Ier décéda sur ces entrefaites.


Henri II

Henri II, en août 1547, confirma Lescot dans sa charge, mais lui demanda de reporter l?escalier au nord de l?aile ; c?est notre escalier Henri II. Il fit aménager une vaste salle divisée en deux parties, la salle des cariatides et le Tribunal, décorés par Jean Goujon. Celui-ci reçut aussi la mission d?orner la façade. Lors de son entrée à Paris, Henri II avait admiré les arcs de triomphe dûs à cet artiste. Goujon reproduisit leur ordonnance et multiplia les bas-reliefs.

En 1551 fut commencé, à l'extrémité du corps de bâtiment, du côté de la Seine, le pavillon royal, qui contint la chambre du souverain , ornée d?un beau plafond transporté sous Charles X dans l?aile de la Colonnade. A côté, à l?étage du corps de logis, se trouvait l?antichambre (salle Henri II) et la grande salle (salle Lacaze). Sous Henri II fut commencée l?aile méridionale, parallèle au fleuve.


Catherine de Médicis

Catherine de Médicis, inconsolable de la mort de Henri II au tournoi des Tournelles, décida de bâtir un château au lieu-dit des Tuileries. Philibert de l?Orme dessina un vaste palais qui comportait non seulement la façade occidentale qui sera bâtie, mais entre elle et une façade parallèle, élevée sur notre Carrousel, une cour centrale carrée, flanquée de deux cours rectangulaires et coupées en leur milieu par une salle ovale. Philibert construisit seulement à l?ouest le pavillon central et le corps de logis voisin au sud. Catherine alla habiter dans son nouvel hôtel près de Saint-Eustache.

Catherine demanda cependant d?étendre les Tuileries jusqu?au Louvre, de joindre les deux palais par une galerie qui permettrait au souverain de sortir de la ville, en cas de besoin, qui s?appuierait au début sur la muraille de Charles V, parallèle à la Seine, puis constituerait l?aile méridionale du château des Tuileries. Elle ordonna aussi de dessiner le jardin qui s?étendit jusqu?à notre actuelle place de la Concorde et qui fut fait d?un damier de parterres avec une grande allée. Les guerres de religion, les difficultés financières empêchèrent de commencer la réalisation de ce grand dessein.



II - LE GRAND LOUVRE


Henri IV et Louis XIII


Lorsque Henri IV, converti au catholicisme en mai 1594, put enfin entrer dans Paris, il décida aussitôt d?occuper les ouvriers et les artistes depuis si longtemps en chômage et, à cet effet, d?exécuter les plans préparés sous Catherine de Médicis. Il nomma comme premier architecte Jacques II Androuet du Cerceau. Celui-ci éleva le pavillon de Flore qui, par l?intermédiaire du pavillon de Bullant, continuait la façade de Philibert. A partir de ce pavillon il construisit la Grande galerie, divisée en deux parties de chaque côté de la porte neuve.A l?ouest il utilisa pour unir les deux étages un ordre colossal et alterna les frontons triangulaires et incurvés. On retrouve cette disposition, détruite par Lefuel, sur le revers de l?aile qui longe l?avenue de Rivoli. A l?est par suite de la plus grande hauteur il superposa trois étages garnis d?ordres.

La petite galerie fut bâtie qui unissait la Grande galerie et le pavillon du roi ; elle contenait une salle au premier étage, ornée de portraits de souverains. L?aile sud de la cour carrée, qui s?arrêtait à une tour médiévale, au droit de notre pont des Arts, abrita l?appartement de Marie de Médicis. Les plans fournis par l?intendant Fourcy aux entrepreneurs nous renseignent sur les projets de liaison des Tuileries et du Louvre ; celui de 1595 comportait à partir des Tuileries inachevées une galerie au nord de notre place du Carrousel ; celui de 1605 était plus simple. Le gros ?uvre de la Grande galerie fut terminé en 1606, les logements des artistes situés sous celle-ci, en 1609.

De 1610 à 1624 les travaux furent arrêtés. Marie de Médicis se contenta de faire orner ses appartements, de construire une orangerie et des volières dans le jardin donnant sur la Seine, et d?aménager à leur extrémité un pont qui, par-dessus le fossé du vieux Louvre, conduisait chez Concini et que les mauvaises langues appelèrent le pont d?amour, mais qui semble avoir disparu quand en mai 1617 Concini eut été tué sous la porte du Louvre.

Lorsque Richelieu prit le pouvoir en 1624 il décida de poursuivre le grand dessein. Il désigna comme architecte Lemercier qui commença à quadrupler le vieux Louvre, démolissant l?aile nord de Charles V, élevant le gros pavillon de l?Horloge et répétant au nord de ce pavillon le corps de logis de Pierre Lescot. La décoration ne sera achevée que sous le Premier Empire. Cette grande aile occidentale se termina par le pavillon de Beauvais que Lemercier commença. En 1639 lorsque Sublet de Noyers fut nommé intendant des bâtiments il fit venir d?Italie, pour décorer la grande galerie, Poussin, ami de ses neveux, mais le grand peintre, dégoûté par les intrigues, regagna l?Italie. Puis Richelieu et Louis XIII moururent et bientôt éclata la Fronde.


Louis XIV

Louis XIV revint à Paris le 21 octobre 1652. Il fallut avant de reprendre le grand dessein remettre en ordre les finances. On se borna à exécuter des travaux d?aménagement : Lemercier en 1653-1654 décora les appartements d?Anne d?Autriche, qui avaient été ceux de Marie de Médicis. Le jeune Louis XIV prit possession du pavillon du roi. Sa chambre, la salle des gardes furent refaites ; la partie qui unissait ce pavillon et la petite galerie fut élargie et devint le grand cabinet du roi. Le premier étage de l?aile sud, au-dessus des appartements d?Anne d?Autriche, fut décoré pour la reine Marie-Thérèse ; mais auparavant Anne d?Autriche trouvant les pièces de cette aile sud trop chaudes à partir du mois de juin, chargea Le Vau de lui arranger un appartement d?été au rez-de-chaussée de la petite galerie : l?artiste italien Romanelli peignit en 1656 les plafonds qui existent encore. Au nord de cette petite galerie fut alors construit un pavillon qui contint au premier étage la salle du dôme ( salle d?Apollon) qui servit d?antichambre au cabinet du roi.

Lorsque la guerre avec les Habsbourg fut finie et que le traité des Pyrénées eut été signé, Le Vau présenta en 1659 un grand plan que nous avons retrouvé et publié. Il créait à l?ouest de la cour carrée un autre quadrangle de bâtiments qui s?étendaient jusqu?à notre place actuelle du Carrousel. A cette époque où l?expropriation n?existait pas il respectait les hôtels situés sur cette place et l?hospice des Quinze-Vingts. Cette partie ne fut pas exécutée. Il dessinait devant le pavillon central de l?aile sud, à l?emplacement de notre passerelle des Arts, un grand pont, dit pont de la Paix, et le terminait par une composition qui annonçait celle qu?il utilisera pour le Collège des Quatre-Nations ( Palais de l?Institut). Le Vau étendait l?appartement d?été de la reine- mère et créait la cour du sphinx, qui a été couverte après 1930. Au nord de cette cour il projetait des bâtiments qui contiendraient les collections du roi et une salle des comédies.

Malheureusement en 1661 un incendie détruisit la grande salle des rois au premier étage de la petite galerie et Mazarin, fort malade, fut transporté à Vincennes où il mourut. Le Vau et Le Brun construisirent et décorèrent à la place la galerie d?Apollon que Berain meubla de consoles d?argent.

On hésitait sur les plans à adopter pour la façade qui devait regarder Saint-Germain-l?Auxerrois et devant laquelle Le Brun projetait une belle place, où l?on songea même à percer une belle rue qui irait jusqu?à Vincennes, de sorte que cette voie prolongée par les Champs Elysées à l?ouest eut placé le Louvre au centre d?un axe qui eut conduit jusqu?à Saint-Germain en Laye. On demanda pour cette façade des dessins à Cottard, à Dubois, à Léonor Houdin qui fournit un projet remaniant Paris depuis le Châtelet jusqu?à notre place de la Concorde, à François Mansart, à François Le Vau, frère du premier architecte. Houdin suggérait une colonnade, idée que reprit François Le Vau.

Colbert chargé depuis 1664 de diriger les bâtiments n?aimait pas Louis Le Vau, auteur de l?hôtel qu?il avait acheté rue des Petits- Champs et où il avait du faire de grands travaux. Il fit appel à des architectes italiens Pietro da Cortona, Candiani, Rainaldi, puis en 1665 fit venir l?illustre cavalier Bernin, mais il trouva son esprit peu pratique et le renvoya, comblé de dons. Il convoqua une petite commission, formée du premier architecte Louis Le Vau du premier peintre Le Brun, e François Mansard, qui mourut bientôt et que le commis de Colbert, Charles Perrault, obtint de faire remplacer par son frère Claude Perrault, médecin qui se piquait d?architecture. Cette commission fournit le projet de la colonnade, que ne construisit pas Le Vau, alors absorbé par Versailles, mais le dessinateur du roi d?Orbay. Comme on avait décidé d?installer les appartements du roi, non plus dans cette aile, mais dans l?aile sur la Seine, Le Vau aurait proposé de doubler ce dernier bâtiment. Il fallut donc allonger d?autant l?aile de la colonnade et c?est pourquoi au nord de la rue de Rivoli elle forme un saillant. Le Vau avait jeté les fondations de sa première aile avant 1665 et c?est pourquoi il fallut les démolir pour creuser les fossés.

Louis XIV, las de vivre dans les plâtras, s?était installé aux Tuileries, mais comme les décorateurs y sévissaient, il émigra à Versailles et il n?en revint pas.


Louis XV

Lorsque le Régent ramena de Versailles le jeune Louis XV, il l?installa dans les appartements du Louvre et plaça sa très jeune fiancée, l?Infante d?Espagne, au rez-de- chaussée. Son souvenir demeure dans le nom du jardin. Mais Louis XV revint vite à Versailles et la monarchie y séjourna jusqu?à la Révolution. Pendant ce temps les Académies et les élèves continuaient d?occuper les salles, souvent sans les respecter. Des personnages divers s?étaient installés et certains, comme Watelet, avaient fait transporter des terres sur le sommet de la colonnade pour y planter un jardin. Des grands projets furent formés pour installer au Louvre la Bibliothèque Royale, le Conseil d?Etat ; de beaux projets furent demandés à Soufflot. Gabriel travailla à l?achèvement de la cour carrée, refit la colonnade, désarticulée par les fers chargés de l?armée et placés par d?Orbay trop près de la superficie de la pierre, qu?entamèrent les sculpteurs. Lorsque furent aménagés en Europe les premiers musées, que les tableaux des maîtres modernes eurent été exposés dans les galeries du Luxembourg, Angiviller, le nouveau directeur des bâtiments proposa de transformer le Louvre en un muséum. Nous connaissons certains projets par les peintures de Hubert Robert.


Le XIXème siècle

Ce muséum fut réalisé par le Directoire qui voulut y abriter les ?uvres conquises par l?armée d?Italie. L?architecte Raymond, de 1798 à 1806, adapta à leur rôle nouveau la salle des Cariatides, les appartements d?hiver et d?été des reines- mères, la salle des ambassadeurs, plaça les peintures dans la grande galerie au premier étage. Fontaine lui succéda et avec Percier décora toutes ces salles évacuées par les Académies, transférées au Collège des Quatre- Nations. Il construisit un bel escalier qui a été remplacé par l?escalier Daru et qui desservait la salle de la Trémoille et la grande galerie, deux beaux escaliers qui subsistent dans l?aile de la colonnade.

Napoléon, qui habitait les Tuileries et ne s?y plaisait pas, voulut faire aménager des appartements au Louvre et ouvrit un concours pour unir les deux palais : le projet de Percier et Fontaine fut retenu ; ils cachaient le défaut de parallélisme déterminé par la courbe de la Seine à laquelle chacun de ces châteaux était perpendiculaire par une aile transversale qui dessinait un V. Les guerres, le projet de construction d?un palais neuf à Chaillot, d?une Université et d?Archives au Gros Caillou et au Champ de Mars, les difficultés financières empêchèrent une fois de plus l?achèvement du Louvre.

Louis XVIII, ami de la tranquillité, se contenta des logis et des meubles de Napoléon ; il fit seulement prolonger au nord les bâtiments jusqu?à la rue de Rohan et ouvrir les guichets de ce côté. Charles X, qui se réclamait de la légitimité, n?hésita pas à démolir les appartements de Louis XIV et à transporter les débris dans l?aile de la colonnade et à substituer aux appartements de la reine Marie- Thérèse le musée appelé musée Charles X. Louis- Philippe, qui habita le Palais-Royal, puis les Tuileries, s?intéressa surtout aux ?uvres du musée où il déposa sa belle collection de tableaux espagnols, malheureusement dispersée et chaque semaine les jours de fermeture du musée allait regarder les chefs- d??uvre. Il se passionna surtout pour la transformation du château de Versailles en musée de l?histoire de France.

La République de 1848 proclama le Louvre « Palais du Peuple » et manifesta son intention de le terminer. Elle chargea d?abord Duban de restaurer la galerie d?Apollon , où le tableau central manquant fut commandé à Delacroix, le salon carré qui servait depuis le début du XVIIIème siècle au « salon » de l?Académie et qu?il orna de sculptures. Duban refit la petite galerie. Se servant de l?estampe de Marot, il voulut lui restituer l?aspect antérieur à l?incendie de 1661. Le prince président, qui avait dessiné le parc de son cousin Hamilton en Ecosse, jugea les jardins, installés par Duban pour cacher le défaut de parallélisme des deux palais, de simples jardins de curé et Duban donna sa démission.

Visconti, fils du conservateur des antiques sous le Premier Empire, fut nommé architecte. Le prince président fournit le programme : le palais devait abriter non seulement le musée mais aussi les expositions de l?industrie, les salons, des administrations, une caserne, un télégraphe, etc? Visconti présenta à Louis- Napoléon, devenu empereur, le plan qui a été réalisé. Il renonçait ainsi que Duban à une aile transversale pour cacher le défaut de parallélisme et se contentait de planter des jardins. Il obtenait ainsi une grande composition ouverte, mais le 3 décembre 1853 Visconti succombait.

Son successeur, Hector Lefuel, bâtit les édifices prévus ; le gros ?uvre été fini en 1857 et le Ministre d?Etat, Achille Fould, pouvait s?écrier « enfin le Louvre est achevé ». Aux anciens bâtiments, c?est à dire à ceux qui entourent la cour carrée, la petite galerie, la Grande galerie du bord de l?eau, les Tuileries, l?amorce des édifices de la rue de Rivoli s?ajoutèrent à l?ouest de la cour carrée deux groupes de bâtiments enfermant chacun d?eux deux cours séparées par une aile transversale. L?aile du sud contenait au rez-de-chaussée le manège, au premier étage la salle des Etats, où l?Empereur voulait, au début de chaque session, réunir, pour écouter le discours du trône, le Sénat et l?Assemblée Législative. Le groupe du nord devait recevoir le ministère de la Maison de l?Empereur, la bibliothèque du Louvre, un détachement de la Garde.

Lefuel fut obligé de remanier, voire de rebâtir, certaines parties anciennes soit pour les adapter à son propre style, soit pour satisfaire les volontés de l?Empereur. C?est ainsi qu?il élargit le pavillon de l?Horloge de Lemercier en ajoutant de chaque côté de la façade sur les jardins des petites avancées, pour lui conférer la même masse qu?aux pavillons scandant ses ensembles , au sud pavillons Daru, Denon, Mollien, au nord pavillon Colbert, Richelieu, Turgot. Il refit à l?extrémité des Tuileries le pavillon de Flore, reconstruisit la partie centrale de la Grande galerie. Comme l?Empereur constata que la salle des Etats gênait l?extension du musée, il demanda à Lefuel d?élargir cette grande galerie au nord, aux dépens de la cour, et d?y installer une nouvelle salle des Etats, qui est devenue notre salle Rubens. Comme les écuries impériales avaient été transportées sur les quais assez loin du palais, Lefuel, sous la salle des Etats, disposa des stalles, des remises qui s?ouvraient sur la cour de l? en- cas, où se trouvait toujours une voiture attelée « en cas » de besoin. Lefuel continua les travaux commencés aux Tuileries par Visconti, modifia la façade et décora les salons suivant les goûts de l?Impératrice Eugénie.


Le style de Lefuel marque le triomphe de l?éclectisme : on y découvre des motifs de la renaissance italienne et française, de notre art classique, des souvenirs du baroque, des fantaisies du XVIIIème siècle. Pour répondre aux modes du temps Lefuel couvrit toujours ses façades d?ornements, bossages, vermiculures, consoles, chutes de feuillages et de fruits, il dressa les statues des rands hommes au droit de toutes les colonnes des galeries, et sur tous les frontons, sur les tympans des figures de femmes que semblent entraîner les flonflons des valses de Strauss, des galops d?Offenbach. ce temps est épris de luxe, d?abondance, de mouvement.

Soudain cet orchestre se tut ; la guerre éclata ; puis vint la Commune qui incendia entre autres les Tuileries, le ministère de la Maison de l?Empereur, la bibliothèque du Louvre. Lefuel rebâtit ces édifices pour y loger le ministère des Finances, chassé de notre hôtel Continental par un autre incendie. Si des hommes, tel Viollet-le-Duc, ancien familier de la cour, empêchèrent de réparer les Tuileries, Lefuel refit les pavillons de Flore et de Marsan qui terminent aujourd?hui la composition Il montra dans la décoration que la bourgeoisie industrielle et commerçante, soumise à M. Thiers, conservait les mêmes goûts que sous l?Empire. Lefuel mourut en 1880. Il avait réalisé après Visconti le grand dessein des rois.

Bien des architectes se succédèrent après lui : Guillaume, pour établir un calorifère, creusa sous les salles des antiques et découvrit les restes du Louvre de Philippe- Auguste et le fossé de Henri II. Il détruisit l?escalier de Daru de Fontaine et, pour orner le sien, demanda à Lenepveu des dessins de mosaïque. Blondel proposa de rétablir un escalier classique, puis Blavette et Lefèvre fournirent des dessins. En 1903 Redon aménagea la deuxième salle des Etats, où prirent place les tableaux de l?ancienne galerie du Luxembourg commandés à Rubens. Les enrichissements des collections d?antiquités orientales déterminèrent l?ouverture de nouvelles pièces.

Lorsqu? après la guerre j?entrai en 1919 au Louvre, les conservateurs décidèrent d?élaborer un programme de remaniement d?ensemble. MM. Pottier, Guiffrey, Marquet de Vasselot, les autres et moi-même formâmes avec le nouvel architecte, Camille Lefèvre, mon camarade de Rome, une petite commission qui proposa les transformations ensuite réalisées peu à peu ; liaison de tous les étages autour de la cour carrée permise par l?émigration du musée de la Marine ; création de salles d?exposition de tableaux à l?étage supérieur débarrassé de ses charpentes, de passages souterrains unissant sous les pavillons les salles du rez-de-chaussée, création de magasins où trouveraient place et seraient accessibles les ?uvres non exposées, d?un laboratoire d?abord modestement installé dans la salle souterraine dite des pistolets, mais rendu efficace par la collaboration de Cellerier, directeur du laboratoire d?essai du Conservatoire des Arts et métiers, ouverture de la salle des bronzes antiques et au-dessus ouverture des salles nouvelles grâce à la substitution par Lefèvre d?une charpente en ciment armé à la grosse charpente du pavillon de l?Horloge.

Lorsque fut projetée la ligne du métropolitain de la ligne d?Ivry, il fut d?abord question de la faire passer non loin de la colonnade du Louvre ; Lefèvre et moi-même firent des fouilles pour savoir si l?on ne détruirait pas des restes du Petit-Bourbon ; nous découvrîmes les fondations de la première aile occidentale de Le Vau et conclûmes qu?aucun fossé n?avait été jamais creusé devant cette façade, que le fossé existant sur le plan de Blondel avait été prévu en même temps que les attiques et les statues sur la corniche, mais que, faute d?avoir construit ces parties hautes on n?avait pas dégagé les soubassements du rez-de-chaussée de la colonnade qui forme avec elle un proportion en moyenne et extrême raison. Lefèvre exécuta quelques constructions nouvelles : sous la cour du Sphinx, qu?il couvrit pour agrandir le département des antiques, il aménagea la vaste salle de l?école du Louvre. Les successeurs de Lefèvre, Ferrand et Haffner terminèrent l?escalier Daru. Des salles de sculptures furent aménagées dans le pavillon de La Trémoille. Récemment le pavillon de Flore et l?extrémité de la grande galerie, libérés par le Ministère des Finances, furent occupés par le musée.

L?histoire du Louvre met en évidence quelques qualités et aussi des défauts de notre peuple. Les Français sont persévérants, puisque pendant plus de huit cents ans ils ont conservé l?idée de créer un vaste ensemble, d?abord limité à la petite cour carrée, puis au Louvre et aux Tuileries, enfin à la grande composition connue sous le nom de dessein des rois.

Entre temps, ils se laissaient séduire par des idées nouvelles, par des passions qui les entraînaient en des guerres, en des insurrections, celles d?Etienne Marcel, des Cabochiens, de la Ligue, de la Fronde, des révolutions de 1789, 1848, 1871; ils étaient amenés à donner aux bâtiments des utilisations pour lesquels ils n?avaient pas été faits. Le Louvre fut successivement prison, arsenal, château des souverains, atelier pendant les hostilités, ministères, musée ; tous ces changements ont toujours montré l?ingéniosité d?adaptation de nos architectes.

Aujourd?hui le Louvre ne réunit pas seulement un merveilleux ensemble de trésors de tous les pays et de tous les temps, mais ses bâtiments même nous rappellent toute l?histoire de notre architecture depuis Philippe-Auguste dont nous pouvons voir la grande salle dans les sous- sols, depuis François Ier et Henri II, qui nous ont laissé une des façades de la cour carrée, Henri IV qui a bâti la grande et la petite galerie, Louis XIII auteur du pavillon de l?Horloge, Louis XIV dont la chambre est conservée en partie, qui éleva la colonnade, jusqu?à Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X, et enfin Napoléon III, dont on peut discuter la politique extérieure, mais qui eut le grand mérite de conduire le Louvre à sa perfection. Le Louvre n?est pas seulement un des lieux du monde où sont venus converger les grands courants de la civilisation, mais un témoin de l?intelligente obstination et des goûts de notre peuple.


Louis HAUTECOEUR

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Crédits
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3.2. Au XVIè siècle
6.1. Faut-il reconstruire les Tuileries ?
5.3.2. Louis XIV
5.10.2. Extensions et dépendances du Palais des Tuileries
5.7. Consulat et Empire
7.9. Investissement porteur d'avenir
5.12. de 1883 à 2005
5.10.1. Accès et abords des Tuileries à la fin du Second Empire
7.8 Qu'en sera le coût
4.7. Un projet révolutionnaire
5.2. La Renaissance
213.3 Convention
5.11. de 1870 à 1882
5.2.6. Philibert de L?Orme
5.1.2. La Petite Galerie
5.3.9. La Grande Demoiselle
5.2.1. Les Tuileries au XVIème siècle
5.10.3. Le chemin de fer des Tuileries
4.3. Pétition émouvante en 1880
1.6. Conseil d'administration - Bureau
5.2.3. Catherine de Médicis
5.5.2. Hommage des Fédérés à Louis XVI
5.3.8. Le Petit Appartement de Commodité
2.4. Sous Louis-Philippe
1.4. Chronologie des événements
3.6. La musique aux Tuileries
5.3.6. L?Appartement de la Reine
5.2.4. Henri IV
5.3.4. Le Grand Appartement
3.4. Sous la Régence
5.9. Deuxième République
5.2.8. Du Cerceau, Jacques II Androuet
4.6. Haussmann avait raison
5.3.12. La Salle des Machines
5.3.14. Le Carrousel de 1662
5.3.1. L'évolution des Tuileries
5.3.3. Le Grand Escalier
5.6 Les Tuileries de la 1ère République
5.2.2. L?enceinte de Charles V
5.3.26. Nocret, Jean
5.3.5. L?Appartement du Roi au rez-de-chaussée
1.3. But - Démarche
3.9. La Comédie Française aux Tuileries
5.2.9. Lescot, Pierre
5.4.2. Les Tuileries, palais des Arts
5.3.7. L?Appartement du Dauphin
3.8. L'Opéra aux Tuileries
1.5. Nos séances-débats
4.5. Le patrimoine national
5.2.7. Bullant Jean
5.3.20. Le Brun, Charles
5.3.21. Le Nôtre, André
5.2.5. Ordre français
5.3.22. Le Vau, Louis
5.4.6. Le Concert spirituel
5.4 Au XVIIIè siècle
5.3.17. Colbert, Jean-Baptiste
8.2.4. BBC History Magazine
4.4. L'engagement de Jules Ferry
1.9. Questions de parlementaires
6.2. Message de Jean Dutourd
5.3.25. Mignard, Nicolas
5.4.3. La Salle des Spectacles
5.4.5. La Comédie-Française aux Tuileries
5.2.10. Métezeau, Louis
5.3.15. Champaigne, Jean-Baptiste de
5.4.7. Servandoni, Jean-Nicolas
5.3.11. La Salle des Cent-Suisses
8.2.2. Le Figaro 14.02.2004
5.3.16. Champaigne, Philippe de
8.2.3. Politique Magazine
5.4.4. L?Opéra aux Tuileries
8.3. Entretien avec Alain Boumier
5.3.18. Coypel, Noël
5.3.10. La Chapelle Royale
5.3.19. Errard, Charles
5.4.1. Les Tuileries sous la Régence
5.3.13. Les Vestibules
8.2.1. Le Figaro 28.12.2002
9.3. Formulaire (anglais)
3.7. Le concert spirituel
5.3.24. Mazarin, Jules
5.3.23. Loyr, Nicolas
Outils
9.2. Formulaire francophone
1.5.2 à l'Institut de France 11 février 2004
1.5.3 au Sénat 7 juin 2004
9.6. Formulaire (russe)
9.4. Formulaire (allemand)
9.5. Formulaire (hongrois)
1.5.1 au Louvre 18 décembre 2002
1.5.5 à l'ENA 10 juillet 2006
1.5.4 au Sénat 20 septembre 2005
Recherche multi-critères