La grille du Palais et les entrées sur la Cour du Carrousel
Avant de parcourir le Palais, observons la Cour du Carrousel. Elle est séparée de la place du même nom par une grille d'environ 270 mètres, haute d'environ 2m50, qui repose sur un petit muret de 1,30m et qui prend appui dans sa partie centrale sur 6 colonnes de marbre blanc surmontées d'un globe doré percé d?une flèche à intervalles de 20 m.
Trois entrées sont ouvertes dans cette grille, au centre l'Entrée d'Honneur aménagée par l'Arc de Triomphe du Carrousel, et de part et d'autre à 60 m se trouvent deux autres entrées chacune constituée par deux socles en pierre abritant un poste de garde et surmontés de statues allégoriques. Côté nord nous voyons l'Entrée des Suisses avec une Victoire tenant une couronne et une enseigne ainsi qu?une Victoire tenant une palme et une épée, toutes deux oeuvres de Pierre Petitot. Côté sud, l'Entrée des Princes est presque identique avec La France Triomphante et l'Histoire tenant un burin, oeuvres de F.A. Gérard.
Ces entrées latérales desservaient avant 1835 deux cours adjacentes à celle du Carrousel dont elles étaient séparées par une série de bornes en bronze perpendiculaires à la grille. A cette date elles furent intégrées à la cour centrale jusqu'alors dénommée "Cour Royale ou d'Honneur" pour former l'actuelle Cour du Carrousel.
Nous passons sous l'Arc de Triomphe du Carrousel et immédiatement après nous franchissons la Grille par l?Entrée d?Honneur. Observons un peu les différents bâtiments de l?immense Palais des Tuileries.
A notre gauche, au sud à partir de la Grille, la nouvelle aile du Bord de l'Eau (nous sommes en 1868) qui vient d'être reconstruite par Lefuel est en cours d'aménagement intérieur. Une partie doit être affectée à la résidence des souverains étrangers en visite d'Etat et la partie contiguë au Pavillon de Flore sera affectée à la Maison du Prince Impérial qui loge au nouveau Pavillon de Flore donnant sur le Jardin et les Quais. Devant nous sur la cour se déploie la façade du Palais, longue de 266 m avec 59 fenêtres. Au premier étage, la partie sud contient les Appartements Officiels côté cour et les Appartements privés côté jardin. Au centre se dresse le Pavillon de l'Horloge point de départ de la perspective Tuileries-Concorde-Etoile.
A droite se tient la partie nord du Palais qui contient des salles de réceptions, la Chapelle, la Salle du Conseil d'Etat et la Salle des Fêtes - ancien Théâtre. Le pavillon de Marsan qui donne sur les jardins et la rue de Rivoli abrite les appartements de Hauts Dignitaires alors que sur notre droite au nord de la Cour, nous découvrons la façade de l'aile Rivoli construite par Percier et Fontaine sous le Premier Empire et qui abrite des appartements de dignitaires et le Ministère de la Maison de l'Empereur. Au delà de la Grille, l'aile Rivoli continue jusqu'au guichet de Rohan. Dans cette partie se trouve la caserne du détachement de la Garde Impériale. Au delà du guichet de Rohan, c'est le Palais du Louvre.
Nous traversons la Cour sur une centaine de mètres pour atteindre le Pavillon Central, également appelé Pavillon de l?Horloge.
On pénètre dans un vestibule voûté haut de 7 mètres que décorent des colonnes ioniques entre lesquelles se trouvent des arcades et des niches où se trouvent des statues. Ce vestibule est divisé en deux parties par un mur perpendiculaire à l'entrée, percé de cinq larges arcades ouvrant sur la seconde partie du vestibule qui donne sur les jardins. A droite et à gauche du Grand Vestibule se trouvent deux autres vestibules, celui de gauche est dit "privé" alors que celui de droite est dit "d'honneur". Une tapisserie des Gobelins devant laquelle se tient en faction un Cent-Garde cache le vestibule privé.
Nous empruntons donc celui de droite (côté nord vers Marsan). Là commence le Grand Escalier qui mène aux appartements d'apparat du Palais. Ce large escalier droit coupé par deux paliers est orné de rampes et de candélabres en bronze doré. Au premier étage, on arrive sur un large palier avec en face de nous une porte conduisant à la tribune de la Chapelle. Une seconde porte à notre droite ouvre sur une Antichambre, appelée Salle des Gardes, avec un plafond sculpté au XVIIème siècle. Encore à droite de cette Antichambre gardée s'ouvre la Galerie de la Paix éclairée par dix fenêtres donnant sur la Cour du Carrousel. Au centre du mur de droite une cheminée monumentale surmontée par un grand portrait équestre de l'Empereur et en face de nous à l'extrémité de la galerie (vers Flore), deux colonnes forment un portique sous laquelle se tient la statue de la Paix en fonte d'argent par Chaudet. Deux larges portes qui s?ouvrent de chaque côté de la statue mènent à l'immense Salle des Maréchaux.
Nous y pénétrons. Elle est deux fois plus haute que les salles que nous avons parcourues et occupe les deux étages du Pavillon de l'Horloge au dessus du vestibule d'entrée. Elle est le centre du Palais. Six fenêtres donnent d'un côté de la cour et six autres de l'autre côté sur les jardins. Son plafond doré en coupole est soutenu par des trophées d'armes. La nuit elle est éclairée par des appliques et des lustres dont un central qui est gigantesque. Les portraits de douze Maréchaux de France, les bustes de guerriers et de marins célèbres en décorent les panneaux. Des cariatides moulées sur celles de Jean Goujon partent du parquet et soutiennent une sorte de balcon qui entoure la salle à la hauteur d'un second étage. Des draperies de velours rouge garnissent les hautes fenêtres. Côté cour, une grande porte sculptée va nous mener aux pièces de l?ancien Grand Appartement royal de Louis XIV qui est devenu une partie des pièces d'apparat. Là un huissier nous fait signe d'attendre.
Le Salon du Premier Consul
L'huissier ouvre un battant de la porte sculptée et nous découvrons une enfilade pièces qui fut le Grand Appartement sous Louis XIV qui l?occupa entre 1667 et 1671. Ces pièces donnent sur la cour du Carrousel, et sont donc orientées à l'Est. Il est onze heures et le soleil au dessus du Pavillon Mollien du Louvre pénètre par les grandes fenêtres. Nous sommes donc dans la première de ces pièces entièrement remaniées par Le Vau sous Louis XIV dans l'ancien édifice de Philibert De L'Orme : "la Salle du Premier Consul", anciennement Salle des Gardes du corps sous les Bourbons, est éclairée par six fenêtres. Décorée au XVIIème siècle par Nicolas Loyr, les boiseries sont dorées et les voussures peintes en grisaille. Au plafond se trouvent des peintures allégoriques du Soleil, du Temps, de la Renommée et des Heures, allégories répétées sur les panneaux qui séparent les fenêtres, alors que dans les angles du plafond nous voyons quatre figures de Vertus militaires. Une tapisserie d'après Gros représente le Premier Consul en uniforme rouge et or, ce qui donne son nom à cette pièce. Au milieu se dresse un imposant vase de Sèvres sur un socle.
Nous passons dans le Salon d'Apollon, ancienne Antichambre du Roi, éclairé par quatre fenêtres. La pièce a un plafond orné de stucs de Girardon et une peinture figurant Apollon assis sur son char. Outre les meubles majestueux et les lourds fauteuils du XVIIème siècle, il y a également un mobilier contemporain (Napoléon III) car cette pièce est la seule des pièces d'apparat régulièrement utilisée par la famille impériale lors des soirées privées après le dîner. Nous apercevons ainsi devant la cheminée une table avec un jeu de cartes où l'empereur fait des patiences en fumant des cigarettes "Caporal" en écoutant la musique du piano mécanique dont il raffole. On peut voir également un fauteuil que voisine une corbeille à journaux que l'Impératrice parcoure. Un gros pouf capitonné sans doute destiné au Prince Impérial et d'autres chaises et fauteuils volants certainement occupés par la princesse Mathilde et le Roi Jérôme ou Mérimée, meublent la pièce. Deux portes en glaces donnent sur les salons des appartements privés de l'Impératrice qui donnent sur les jardins.
En quittant ce salon, nous pénétrons dans l'imposante Salle du Trône, ancienne Chambre d'apparat de Louis XIV. Cette pièce éclairée par trois larges fenêtres est devenue la salle du Trône des cinq souverains depuis Napoléon Ier. Le plafond est l'oeuvre de Bertholet Flemaël "La Religion protégeant la France". Les cartouches sont l'oeuvre de Girardon et la corniche de stucs celle de Lerambert. Les murs sont couverts de tapisseries des Gobelins d'après Raphaël et partout se trouvent les symboles de Louis XIV, soleils, cornes d'abondance et devise "nec pluribus impar". Au milieu du panneau opposé aux fenêtres une estrade de trois marches, sous un dais à draperie semée d'abeilles, se tient le trône impérial de Napoléon Ier et une copie destinée à l'Impératrice. Sur le dais, au dessus des trônes, on voit les armoiries de l'Empire et au dessus du baldaquin, l'aigle impérial masque à peine derrière lui le soleil sculpté de Louis XIV. En effet lors d'une restauration de la pièce l'Empereur et l'Impératrice considérèrent comme absurde de vouloir ignorer l'Histoire de France. En bas du dais, de part et d'autre, une série de pliants destinés aux princes français.
C'est dans cette salle que sont accrédités les Ambassadeurs et que prêtent serment à la Constitution impériale les hauts fonctionnaires et les dignitaires. Les grands corps de l'Etat et le corps diplomatique présentent ici leurs voeux le 1er janvier. La cheminée monumentale située à une extrémité porte une pendule célèbre de Gallien « à la Gloire du Roi». Le soir venu de superbes lustres et des torchères de bronze éclairent la salle.
Suite à cette pièce somptueuse, nous entrons dans un salon dit « Louis XIV ». Eclairée par deux fenêtres cette pièce fut le Grand Cabinet de Louis XIV puis Salon du Conseil sous Louis XVI, Napoléon Ier, Louis XVIII et Charles X, puis Salon du Roi sous Louis-Philippe. Aujourd'hui elle sert de salle à manger officielle. Le plafond est décoré d'allégories relatives aux Quatre Eléments, à la Guerre, et à la Paix. Entre les deux fenêtres un tableau de Rigaud, Louis XIV en costume du sacre, sur le panneau en face une superbe commode du XVIIIème siècle et au dessus un tableau où l'on voit Anne d'Autriche et ses deux enfants couronnant le jeune Louis XIV. En face, une cheminée monumentale en marbre blanc est l??uvre de Percier et Fontaine. Le reste de la pièce est garni de splendides meubles et de vases Premier Empire.
En sortant de cette salle à manger, nous découvrons la Galerie de Diane, anciennement Galerie des Ambassadeurs. Longue de 52 m, elle comporte six larges fenêtres qui font face à six grandes glaces de même taille entre lesquelles sont tendues des tapisseries des Gobelins. Le plafond possède plusieurs compartiments, chacun décoré de scènes mythologiques copiées de "l'Histoire de Psyché" peinte à la galerie Farnèse de Rome. Elle n'est meublée que de consoles et de banquettes alignées le long des murs entre de somptueuses torchères. On y voit aussi d?immenses vases égyptiens hauts de 3 m à chaque extrémité autour desquels s'élèvent des colonnes supportant des statues en ronde-bosse. Une porte côté cour s'ouvre sur l'escalier du Pavillon de Flore - nous y reviendrons - et une autre porte au fond sur la droite ouvre sur le palier de l'escalier de "l'Habitation". C'est de là que nous visiterons les appartements privés.
Nous sommes au niveau du Pavillon de Flore tout nouvellement reconstruit (1867) et qui est en cours d?aménagement pour abriter la partie privée des Appartements du Prince Impérial qui vient de fêter ces douze ans. L'ancien Pavillon de Flore et l'aile du Bord de l'Eau qui dataient de Henri IV ont été détruit en 1861-1862. En effet depuis 1847 ils étaient considérés comme insalubres et inhabitables du fait d?importants désordres dans la maçonnerie. Nous restons donc dans cette partie du Palais construite par Le Vau. Adjacent au Pavillon de Flore, du côté jardin se trouve l'Escalier de l'Habitation dénommée escalier de la Reine sous l?ancien Régime. Cet escalier part d'un vestibule péristyle ouvert sur la Cour du Carrousel, situé sous l'extrémité de la Galerie de Diane, et il dessert au premier étage les appartements du côté jardin que nous allons visiter et au second étage une série d'appartements qui logeaient les enfants de Louis-Philippe et qui maintenant logent les dames de l'Impératrice. En outre nous y trouvons des salles de services.
Nous franchissons le palier éclairé par une fenêtre sur les jardins et pénétrons dans l'Antichambre d'appartement qui est réservée depuis peu au jeune Prince Impérial en attendant que les aménagements de son nouvel appartement au Pavillon de Flore soient prêts. Suite à cette Antichambre, nous passons dans le Salon des Tapisseries. Cette belle et grande pièce tient son nom des tapisseries murales qui représentent diverses résidences royales. Ensuite nous arrivons dans un petit Salon de Service qui communique avec la Chambre du Prince Impérial et qui avait été le bureau de Napoléon Ier puis de Louis XVIII et de Charles X. A la suite de cette belle pièce, un cabinet fut le cabinet topographique de Napoléon Ier. Ces pièces ont conservé la décoration Grand Siècle mais d?autres avaient reçu une décoration Empire et le mobilier de l'époque Louis-Philippe.
De là nous pénétrons dans l'Appartement de l'Impératrice. Nous sommes dans le pavillon Bullant qui fait jonction entre la partie construite par Le Vau et le corps de l'ancien château de Philibert De L'Orme. D?abord une petite pièce de dégagement d?où descend du 2e étage un monte-charge avec un mannequin d'osier portant la toilette complète avec accessoires qu'a réclamé l'Impératrice. Derrière se trouve un long couloir obscur qui dessert les appartements et à côté du monte-charge se trouve un petit escalier en longueur conduisant directement en dessous aux appartements de l'Empereur.
Passé ces pièces de service nous pénétrons dans la Chambre de l'Impératrice éclairée par deux fenêtres à balcon sur le jardin, cette pièce est décorée en style Louis XVI, les cartouches et peintures murales représentent des allégories champêtres et sur une estrade à une marche se dresse le lit à baldaquin avec de lourdes tentures. Un seul autre "meuble" se trouve dans cette pièce : un socle en lapis-lazuli supportant un splendide vase avec dans celui-ci "La Rose d'Or", présent du Pape à l'Impératrice pour la naissance du Prince Impérial - il s'agit d'un rosier épanoui en or massif surmonté d'une rose consacrée. L'Impératrice passe très peu de temps dans cette pièce qu'elle trouve trop solennelle et elle n'y fait que dormir.
Notons qu'à l'emplacement de cette pièce se trouvait entre 1789 et 1792 la chambre de Louis XVI et celle du Dauphin séparées par un étroit corridor et dans cet étroit passage, Louis XVI creusa lui même dans le mur donnant sur le jardin une cavité qu'il ferma d'une porte de fer, d'où l'appellation "Armoire de Fer" donnée à cette cachette. Aujourd'hui encore sous le lambris reste la cavité creusée par le roi qui se trouve entre les deux fenêtres de la Chambre.
Ensuite l'on passe par l'immense Cabinet de Toilette de l?Impératrice où de hautes glaces y échangent leurs reflets. Une large coiffeuse où s'étale le nécessaire en vermeil de la Reine Hortense et de multiples petits meubles, capitonnés de satin blanc pour le linge, constituent le mobilier de cette pièce. Mitoyenne au Cabinet de Toilette, la Salle de Bain possède une grande baignoire et un lavabo, et depuis le dégagement avec le monte-charge toutes ses pièces sont équipées d'un cornet acoustique permettant à l'Impératrice de communiquer avec ses dames de service. Dans un petit dégagement contigu à la salle de bain, se trouve un escalier en colimaçon qui va du rez-de-chaussée au second étage et qui est utile pour le service. L?Impératrice a installé dans ce passage plusieurs bibliothèques où elle range des papiers qu?elle se plaît à collectionner. Nous allons pénétrer dans la partie des appartements de l'Impératrice construits il y a dix ans sur l'ancienne terrasse qui longeait la façade de Philibert De L'Orme au 1er étage sur le jardin. L'huissier nous demande de patienter...
L'Huissier nous fait pénétrer dans un petit salon voûté qui sert de Boudoir à l'Impératrice et qui communique avec son Cabinet de Travail par une baie sans porte dont les portières en soie violette sont toujours relevées. L'Impératrice s'est fait un "coin" entre la baie et la cheminée au moyen d'un paravent de bambou à jardinière et lierre, qui abrite son fauteuil, un petit canapé appuyé au mur à sa gauche et une table d'ouvrage en osier à sa droite. De l'autre côté de la baie contre le mur un chiffonnier et au pied des portières se tiennent deux hauts vases de Chine alors que devant l'unique fenêtre une statue allégorique sort d'une jardinière. Enfin sur la cheminée, on trouve une pendule surmontée d'un groupe de Sèvres entourée de deux lampes à globe.
Nous franchissons la baie et découvrons le Cabinet de Travail de l'Impératrice. Deux fenêtres éclairent la pièce aux murs tendus de soie d'un vert doux, les meubles sont recouverts de satin pourpre, les portes et fenêtres sont en acajou plein. Au milieu de la pièce trône un bureau Louis XVI à cylindre et adossé à ce bureau un canapé fait face à la cheminée de marbre rouge portant une statue de marbre blanc entre deux grands vases de bronze chinois. Deux tables encadrent le bureau, elles sont recouvertes d'un tapis en reps vert. A gauche de la cheminée se tient un fauteuil bas à capiton où la souveraine aime s'asseoir pour lire ses livres préférés qu'elle a sous la main grâce à une bibliothèque tournante en acajou. Entre les deux fenêtres, une vitrine abrite des bibelots et des souvenirs. Devant l'une des fenêtres se dresse un paravent de bambou doré où grimpe un lierre planté dans une jardinière en porcelaine de Chine. Aux murs nous voyons un grand portrait de l'Empereur en habit noir et deux petits portraits de sa soeur la Duchesse d'Albe et de la princesse Clotilde. Il y a également deux autres portraits des Princesses Mathilde et Murat, oeuvres de Winterhalter.
Nous sortons du Cabinet de Travail pour pénétrer dans le Salon Bleu qui sert de salon d'audience. La pièce est carrée, percée par deux fenêtres et tendue de soie bleue. Sur le panneau face aux fenêtres une porte communique directement avec le Salon d'Apollon. Au dessus des portes, Dubuffe a peint les portraits de quelques dames de la Cour dans un costume personnifiant une nation européenne;
la princesse Anne Murat : l'Angleterre
la duchesse de Malakoff : l'Espagne
la duchesse de Morny : la Russie
la comtesse Waleska : l'Italie
la duchesse de Persigny : l'Allemagne
la duchesse de Cadore : la Grèce.
Nous quittons le Salon Bleu pour entrer dans le Salon Rose qui sert de salon d'attente. Lui aussi a une porte qui communique avec le Salon d'Apollon et comme les autres salons des appartements de l'Impératrice, il possède deux fenêtres encadrées de rideaux de satin blanc et pourvu de store en gaze bleue qui tamise la lumière assez forte car la façade sur le jardin est ensoleillée de 13 heures au coucher du soleil. De même que dans les autres salons, les canapés, fauteuils et chaises sont de style Louis XVI, garnis de Beauvais ou de Gobelins à fleurs sur fond blanc. Les lambris et boiseries sont quant à eux inspirés par ceux du Petit Trianon. Sur chaque cheminée de marbre se trouvent des pendules XVIIIème siècle entourées de lampes à globe en lapis-lazuli, l'Impératrice ayant opté pour l'éclairage au pétrole parfumé.
Nous passons dans le Salon Vert. C'est dans ce salon que s?installent les dames du Palais qui sont de service. Elles rangent leurs ouvrages ou leurs livres dans un grand meuble de marqueterie placé entre les deux fenêtres. Quant les fenêtres sont ouvertes le grand miroir placé sur le panneau du fond reflète les jardins des Tuileries rajoutant une note verte au vert d'eau de la soie dont est tendue la pièce.
Nous quittons les appartements de l'Impératrice par l'Antichambre des Huissiers elle aussi meublée en Louis XVI. L'huissier nous raccompagne à la porte de l'Antichambre qui donne sur l'Escalier de L'Impératrice, adjacent au Pavillon Central, qui a été construit en 1858 pour desservir les nouveaux appartements bâtis sur la terrasse du premier étage. Sur le palier de l?escalier une grande porte donne sur la Salle des Maréchaux. Nous descendons l'escalier en marbre coupé par quatre paliers. En bas des degrés nous nous retrouvons dans le vestibule de gauche qui était dissimulé par une tapisserie des Gobelins. Là un Cent-garde en tenue d'Ordonnance -Tunique bleue ciel sans cuirasse, ni arme nous attend.
Les appartements privés de l'Empereur que nous allons parcourir occupent le rez-de-chaussée côté jardin du Palais, entre le pavillon Central et le pavillon de Flore. En 1832, Louis-Philippe avait fait bâtir par Fontaine des pièces nouvelles dans la galerie couverte sur jardin qui soutenait la terrasse afin d?y installer une partie de ses appartements privés. En 1852 Napoléon III ne changea pas la disposition de ses appartements et s'y installa après une rénovation de la décoration et un réaménagement du mobilier. Seule la première antichambre fut modifiée en 1858 pour construire l'escalier de l?Impératrice. Ensuite les six premières pièces datent de Louis-Philippe. Contrairement au premier étage, ces nouvelles pièces ne sont pas contiguës aux pièces donnant sur la cour du Carrousel ; un couloir obscur large de 1m10 a été aménagé au milieu du rez-de-chaussée et dessert par des portes en acajou les nouvelles pièces. Ces nouvelles pièces toutes à deux fenêtres -sauf la première et la dernière- communiquent entre elles par une double porte côté jardin.
Nous entrons dans le petit salon des Huissiers que nous traversons pour pénétrer dans le Salon des Chambellans. Il est tendu d'une soie gris clair et orné de deux portraits : L'Impératrice Joséphine par Prudhon et Napoléon Ier en colonel de chasseurs par David ainsi que des tapisseries de 1787 représentant des scènes de chasse. Entre les fenêtres, un râtelier d'armes en acajou contient les aigles des régiments de la Garde dont l'Empereur est le Colonel.
De ce salon où se tient le chambellan de service, nous passons dans le Salon du Conseil éclairé par deux portes-fenêtres d'où un escalier à double révolution descend au jardin. Les murs sont tendus de soie rouge de même que les meubles Louis XIV. Sur un panneau un grand portrait du frère aîné de l'Empereur -Napoléon Louis- et sur le panneau d'en face au dessus de la cheminée peint par le même peintre un portrait de l'Impératrice. Sur le panneau face au jardin deux portraits "en majesté" de Louis, Roi de Hollande et de la reine Hortense. En face entre les deux portes-fenêtres un buste de Napoléon Ier sur un socle de marbre. Sur la cheminée se tient le buste officiel de Napoléon III entre deux candélabres. Au milieu de la pièce se trouve une grande table ovale recouverte d'un tapis de velours vert.
Faisant suite, le salon des Journaux, tendu lui aussi de soie rouge, ornée d'un portrait de l'Impératrice assise avec le Prince Impérial sur ses genoux. Au fond face aux fenêtres une grande bibliothèque renferme des ouvrages de jurisprudence, et sur des consoles s?étalent des piles de gazettes et journaux français et étrangers. Il y a également une grande table au milieu de la pièce avec des corbeilles pour les dépêches.
Nous pénétrons dans le Cabinet de Travail de l?Empereur, tendu de soie verte d?eau, les rideaux et portières sont en vert foncé. La cheminée est sur le panneau nord, avec dessus une pendule et des candélabres Louis XVI, et au coin du feu un fauteuil de cuir vert à oreillettes. Le grand bureau plat est placé au centre de la pièce perpendiculaire aux fenêtres, le fauteuil de travail capitonné de velours rouge tourne le dos à la cheminée. Sur le panneau face aux fenêtres à gauche du bureau, un grand meuble à casiers Louis XVI contient notes et dossiers. Ce meuble est flanqué de deux chiffonniers à papiers. Au dessus du meuble sur le panneau un gigantesque plan de Paris où sont tracées en rouge les voies exécutées et projetées par Haussmann. Ce plan remarquable a été offert en 1860 par le Conseil Municipal de Paris.
Entre les fenêtres un buste de l'Impératrice en marbre blanc, en dessous un guéridon Louis XV sert à déployer cartes et documents. Sur le panneau sud est percée au centre la porte toujours ouverte qui donne sur la pièce suivante. A gauche de la porte se tient un buffet bas Louis XVI surmonté d'une carte de l'Europe, à droite se trouve une console avec quelques bibelots et maquettes surmontée d'une carte planisphère avec encore au dessus un portrait de César par Ingres. Sur le large bureau se trouvent une lampe à pétrole quelques photos de famille dans de petits cadres, un coffret à cigarettes et un cendrier de cristal.
Nous passons dans la pièce voisine : un petit salon intime avec un guéridon et un divan. Les murs sont couverts de portraits de famille et une porte fenêtre permet de descendre dans le jardin par un escalier de quelques marches. A partir de là nous quittons les nouvelles pièces construites sous Louis-Philippe dans la galerie couverte et nous entrons dans l'ancienne partie du palais dénommée "Pavillon Bullant" où continuent les appartements privés de l'Empereur.
Dans la suite des pièces à venir les appartements de Napoléon III occupent les anciens appartements de Marie Antoinette, de Joséphine et de Marie-Louise. Nous pénétrons dans une antichambre obscure éclairée en permanence par une applique à pétrole, à droite une pièce d'environ 3m par 2m80 qui fut le Cabinet du Thermomètre sous Louis XVI, où ce roi féru de sciences collectionnait thermomètres, baromètres et autres appareils de mesures. C'est désormais la Salle de Bain de l?Empereur avec une baignoire, un lavabo, une table de toilette à glace, un banc et un calorifère, le tout dans un style Rome antique. La Salle de Bain est juste en dessous de celle de l?Impératrice et une même colonne d'eau alimente ces deux pièces.
A gauche nous laissons le début d'un corridor de service où l'on aperçoit le début d'un petit escalier tournant qui dessert les étages supérieurs pour la domesticité. En face une porte et nous entrons dans le Cabinet de Toilette de l'Empereur, éclairé par une fenêtre et orné de gravures d'après les dessins d'Isabey de la campagne d'Egypte qu'on affectionnait tant en 1800. De 1789 à 1792 cette pièce fut aménagée en partie en atelier de serrurerie par Louis XVI et en petit cabinet de repos.
De ce cabinet de toilette, nous entrons dans la Chambre à coucher de l'Empereur. Cette belle pièce éclairée par deux fenêtres fut sous le Premier Empire la Chambre de l'Impératrice Joséphine, grand-mère de l'Empereur et c'est là que Marie-Louise mis au monde le Roi de Rome. Au fond s'allonge le lit bateau en acajou ancien, décoré de bronze Empire et au chevet dans un écrin, se trouve le reliquaire de Charlemagne en or et rond. A droite et à gauche de la cheminée, deux mosaïques antiques, cadeau du Pape, et en face un meuble de chêne surmonté de vases Empire. Entre les fenêtres, il y a une grande vitrine avec des armes précieuses et des souvenirs de famille alors qu?aux murs étaient accrochées quelques vues d'Arenberg et des portraits des parents de l?Empereur, le Roi Louis de Hollande et la Reine Hortense. Chaises, fauteuils, pendule et candélabres sont en style Premier Empire.
Contigus à la chambre deux réduits, l?un servant d'office au valet, l'autre renferme un escalier droit de 0m80 de large montant aux appartements de l?Impératrice. Ensuite nous traversons une pièce éclairée par une fenêtre équipée d?un canapé et qui sert de garde-robe. Les murs sont recouverts de vitrines où sont conservées les décorations françaises et étrangères de l'Empereur. Jusqu'en 1860 la nuit venue un Cent-garde se tenait en permanence en faction dans cette pièce. Mais depuis 1860, l'Empereur a jugé cette garde rapprochée nocturne inutile. Derrière ce cabinet, donnant dans le couloir obscur qui longe les appartements un escalier droit et étroit descend aux sous-sols.
La pièce suivante est un beau salon qui fut la chambre de Marie-Antoinette. Eclairé par une fenêtre, c'est aujourd'hui un salon dédié aux séances de travail de l'Empereur avec Haussmann, Alphand ou les secrétaires de l'Empereur. Meublée en Louis-Philippe, les murs sont couverts de cartes de France, représentant le réseau de chemins de fer, le réseau des routes et celui des canaux. Une carte indique le réseau des télégraphes, celui des Postes alors qu?une autre indique les découpages administratifs. Ensuite nous traversons deux autres pièces éclairées chacune par une fenêtre et qui sont les cabinets de travail du Premier Secrétaire de l'Empereur et du Second Secrétaire, c'était autrefois les salons des Reines et Impératrices. La dernière pièce assez grande, éclairée par deux fenêtres, sert de bureau à deux autres collaborateurs et à l'huissier du Secrétariat de l'Empereur.
Nous nous retrouvons dans le vestibule de l'Escalier dit autrefois "de la Reine" et dénommé aujourd'hui Escalier de l?Habitation. Il est adjacent au pavillon de Flore mais ne communique pas avec. Une porte massive sculptée communique avec le vestibule péristyle qui donne sur la Cour du Carrousel .Ce péristyle voûté s'ouvre par deux portes cochères sur la Cour ce qui permet aux voitures de pénétrer à l'intérieur pour laisser ou prendre des passagers à l'abri des intempéries ou des regards. Lorsque l'on regarde la cour sur la droite, une porte communique avec l'escalier du pavillon de Flore et à gauche se trouve le poste des Cent-gardes de permanence au Palais.
Nous sortons du palais et tournons à gauche pour nous diriger vers le pavillon central (de l'Horloge). Nous empruntons le trottoir d'1m20 de large qui longe le palais côté cour et nous passons donc devant le poste des Cent-gardes puis devant une série de pièces du rez-de- chaussée donnant sur la cour : on a d?abord la Salle des Huissiers où ceux-ci ont leurs vestiaires et prennent leurs repas, ensuite le Salon de Stuc où sont entreposés et exposés des éléments en stuc amovibles qui servent temporairement à la décoration de salle du Palais. C?est dans cette salle que les officiers et sous-officiers des Cent-gardes prennent leurs repas.
Ensuite ce sont les anciens et premiers appartements royaux du XVIème siècle jusqu'aux remaniements de Le Vau. Après, il ne resta plus rien des anciens appartements royaux sinon les plafonds qui disparurent petit à petit lors de divers aménagements pour installer des appartements pour les gentilshommes de la Maison du Roi. En 1789 Madame Elisabeth, soeur du Roi, y résida quelques temps avant de s'installer au Pavillon de Flore.
Sous l'Empire on y installa les appartements du Roi de Rome et de sa Gouvernante. Sous la Restauration ce furent les appartements du duc d'Angoulême, dauphin de France et sous Louis-Philippe, on affecta ses appartements à deux des fils du Roi. Entre 1856 et 1868 cette enfilade de dix pièces fut affectée au jeune Prince Impérial et à ses deux gouvernantes. Les deux dernières pièces avant le pavillon de l'Horloge sont le salon et l'antichambre des Officiers d'ordonnance. Nous nous retrouvons donc au pied du Pavillon de l'Horloge.
Nous gravissons de nouveau l'Escalier d'Honneur des Tuileries que nous avions emprunté au début de la visite et en arrivant au premier étage nous nous trouvons donc dans la partie nord du Palais. Cette partie nord ne possède plus rien des structures de Philibert De L'Orme ni de Le Vau et seule la façade sur le Carrousel date de Le Vau. En effet à partir du Premier Empire en 1805, Percier et Fontaine reprirent de fond en comble l'intérieur nord du Palais qui après la Révolution était une coquille vide. En 1805 et 1806 Percier et Fontaine construisirent à l'intérieur du pavillon de la Salle des Machines (pendant Nord du pavillon Bullant) une nouvelle Chapelle et la Salle du Conseil d'Etat dénommée aussi Salle des Travées.
Dans le bâtiment qui fait suite avant Marsan ils aménagèrent, à l'emplacement de l'ancien Théâtre, la Salle des Spectacles. Mais à la fin de ces travaux, il y avait un "hiatus" car la partie nord du Palais n'était toujours pas de plain pied avec le Pavillon de l'Horloge et la partie sud, ceci à cause de l'escalier de Le Vau qui interceptait toute communication aisée entre nord et sud. Sous Louis-Philippe, Fontaine construisit l'escalier que nous venons d'emprunter en supprimant la galerie basse ainsi que la terrasse côté jardin et à l'emplacement de l'ancienne Chapelle et de l'escalier de Le Vau, il créa la Galerie de la paix pour rejoindre la Salle des Maréchaux (nous l'avons parcouru au début). Ainsi le palier final du Nouvel Escalier et la Galerie de la Paix étaient alors de plain pied avec tout le reste du premier étage, donnant au Palais des Tuileries la plus longue suite de pièces de réceptions de toute l?Europe. Côté jardin, le palier final de l'Escalier d'Honneur permet l'accès à la Chapelle par une grande porte de bronze.
Nous franchissons cette porte et découvrons la Chapelle depuis la tribune des souverains. Celle-ci occupe la partie ouest de l'ancien pavillon des machines et s?élève du rez-de-chaussée au premier étage. La Chapelle est construite à l'emplacement de la salle des Députations de la Révolution. Edifiée en pierre blanche, elle comporte des colonnes d'ordre toscan au rez-de-chaussée supportant au sud, la tribune où nous sommes, ainsi que deux balcons à l'ouest côté jardin et à l'est. Au nord se tient l'autel en marbre polychrome avec comme retable l'Assomption peinte par Prudhon et au dessus de l'autel se découvre une loggia avec l'orgue. Le pavement de la Chapelle est en mosaïque de marbre. Au premier étage sur les balcons et la tribune, des colonnes doriques soutiennent un haut plafond voûté. La Chapelle est d'une étonnante simplicité en comparaison aux autres pièces du Palais. Le Roi de Rome, le duc de Bordeaux (comte de Chambord) et le Prince Impérial y furent ondoyés.
Plus récemment le Prince Impérial y fit sa Communion et sa Confirmation. A notre droite donnant sur le balcon, sept travées communiquent avec la Salle des Travées ; lorsqu?elles sont ouvertes le balcon étroit peut servir de tribune pour assister aux offices. Les bancs de la chapelle au niveau inférieur sont limités à une cinquantaine de fidèles et la tribune est bien évidement réservée à la Famille Impériale. C'est monseigneur Darboy, archevêque de Paris et grand aumônier de France, qui est titulaire de la Chapelle, assisté du premier aumônier, monseigneur Tirmache, ancien curé de Ham dont les appartements sont au rez-de-chaussée côté Carrousel donc sous la Salle des Travées, à côté de la sacristie.
Nous quittons la Chapelle et nous nous retrouvons sur le palier pour nous diriger sur notre gauche côté Carrousel, nous franchissons une porte qui ouvre sur l?Antichambre ou Salle des Gardes, pièce carrée dont les boiseries et le plafond à caisson du XVIIème siècle proviennent du pavillon du Roi du château de Vincennes. A droite une porte ouvre sur la Galerie de la Paix, à gauche une porte ouvre sur la Salle des Travées.
Nous entrons dans la Salle des Travées, dénommée plus officiellement Salle du Conseil d'Etat car c'est ici que se tient périodiquement le Conseil d'Etat en présence de l'Empereur. Cette salle, toute en longueur, est ouverte sur la Cour du Carrousel par quatre larges fenêtres et sur le haut de la Chapelle par sept ouvertures en glace dont quatre font face aux fenêtres. Elle n'est pas meublée, mais entre les onze croisées se trouvent des consoles de marbre supportant des bustes d'Empereurs romains. La pièce est décorée de pilastres et de colonnes en stuc avec chapiteaux et ornements dorés à l?antique. Au plafond une peinture de Gérard figure La Bataille d'Austerlitz. En fait, cette galerie créée lors des remaniements de Percier et Fontaine se trouve à l'emplacement de la salle du Conseil des Anciens sous la Révolution.
Nous quittons la galerie des Travées pour pénétrer dans une grande pièce carrée ornée de quatre colonnes, s?éclairant par une fenêtre sur le Carrousel. Cette antichambre en style Empire est équipée de banquettes et de torchères du même style. En face une porte s?ouvre sur le palier de l?Escalier de la Salle de Spectacles. Vers le nord une porte nous fait pénétrer dans une mince antichambre s'étalant sur toute la largeur du bâtiment et éclairée par deux fenêtres, l'une a l'Est sur le Carrousel, l'autre à l'ouest sur les jardins : il s?agit du Foyer de la Salle des Spectacles. Cette salle est décorée de peintures représentant certains spectacles donnés au XVIIIème siècle dans l'ancien Théâtre du Château qui occupait sous l'Ancien régime l'emplacement de la salle actuelle. C'est dans cet ancien Théâtre du Château que la notion théâtrale "Côté Cour, côté Jardin" prit naissance lors du passage de l?Opéra aux Tuileries et plus tard de la Comédie Française.
A la Révolution, l'architecte Gisors y "bricola" à l'aide des matériaux en place une salle en amphithéâtre où la Convention Nationale tenait assemblée. Sous l'Empire, Percier et Fontaine remanièrent tout ce bâtiment pour créer la Salle de Spectacles qui fut inaugurée en grandes pompes le 8 janvier 1808 en présence de toute la Famille Impériale par une représentation de l'opéra de Paer La Griselda. La salle du Foyer où nous sommes est richement décorée de plantes vertes et meublée récemment de confortables canapés et banquettes capitonnées de rouge en style contemporain (nous sommes en 1868)
Au panneau nord 3 portes somptueusement capitonnées de cuir rouge donnent accès pour celle du centre à la loge impériale, pour les deux autres aux loges latérales desservies par un couloir qui longe les façades. Les souverains étant actuellement en résidence d'été à Saint-Cloud, nous allons admirer la Salle des Spectacles depuis la somptueuse loge impériale. De là, nous découvrons cette monumentale salle de style "à l'Antique" cher au goût des années 1790-1810. Sa structure consiste en un rectangle orné d'une colonnade disposée en ovale entouré d?une frise sculptée. Les colonnes d'ordre ionique sont blanches et leurs chapiteaux dorés. De part et d'autre la loge impériale, l'alignement des colonnes est coupé au dessus du parterre par des corbeilles et des loges. La loge est flanquée de chaque côté de corbeilles en amphithéâtre. Quatre grands arcs supportent une grande coupole remarquablement décorée formant un plafond d'où est suspendu un gigantesque lustre de cristal. Quatre lustres moins imposants sont suspendus entre chaque arc. Au fond de ces arcs au dessus de la frise se distinguent des culs de four. Entre la douzaine de colonnes qui entourent la salle, des lustres plus petits éclairent les corbeilles. Un plancher mobile permet de transformer cette salle de spectacles en salle de bal ou de fêtes qui est alors doublée en longueur.
Dernièrement en 1867 cette salle a vu le grand souper de l'Exposition Universelle où le couple impérial avait à sa table la plupart des souverains d'Europe dont le Tsar et le Roi de Prusse accompagné de Bismarck. Durant l?Exposition de nombreux autres souverains vinrent aux Tuileries : l?Empereur d?Autriche, le Prince de Galles, les Rois de Belgique, de Bavière, de Suède, de Danemark, la Reine d'Espagne et une kyrielle de princes européens. Aux autres tables, le Corps Diplomatique, les Grands Dignitaires de l'Empire, Ministres, Délégués du Sénat et du Corps Législatif....ce fut la plus grande réception donnée ici jusqu'alors. Notons que derrière la scène se trouvent d?étroites coulisses.
Le Pavillon de Marsan
On accède au Pavillon de Marsan par une seule porte au fond du couloir longeant la façade côté Carrousel. Cette porte ouvre sur le palier du premier étage du Pavillon de Marsan dont l'escalier nous permet de descendre au rez-de-chaussée communiquant avec la Cour par un vestibule et avec le jardin par une porte-fenêtre au fond d'un couloir de marbre blanc. Nous ne visiterons pas les appartements situés dans Marsan car ils sont présentement occupés par des Grands Dignitaires, il y a un appartement au rez-de-chaussée sur jardin et rue de Rivoli comme dans les autres étages du pavillon. Seuls les combles abritent des chambres de service et un débarras au sixième étage.
Ce pavillon édifié par Le Vau était en piteux état après la Révolution et c?est Percier qui remania les appartements en 1804 tels qu'ils sont aujourd?hui. Sous la Restauration ils furent habités par le comte d'Artois, le duc de Berry, puis par la duchesse veuve de Berry qui y mit au monde le comte de Chambord. Sous Louis Philippe, ces appartements furent occupés par les ducs de Chartres, de Montpensier, et d'Aumale. Le comte de Paris, héritier de Louis-Philippe y naquit également. C'est donc à ce jour le lieu de naissance du dernier des Bourbons et du dernier des Orléans. Malgré la restauration de Percier en 1804, ce pavillon à l'instar de l'ancien Flore devient insalubre et l'architecte Lefuel a prévu comme pour Flore en 1861 de l'abattre et le reconstruire sur le modèle du nouveau Pavillon de Flore. Ces travaux devraient débuter fin 1870-début 1871. La visite n'est pas achevée, rendons nous vers le jardin en empruntant le couloir de marbre blanc.
Nous longeons donc la façade du Palais vers le centre, nous sommes sur un perron de granit clair large d'environ 4 m agrémenté en son milieu de petits parterres fleuris. Il est séparé du jardin réservé par une seule marche. Arrivés face au Pavillon Central, nous reculons de quelques mètres dans l'allée centrale qui ici donne naissance à la Voie Triomphale qui se dirige vers l'Ouest "de visu" jusqu'à l'Etoile et au delà jusqu'à la porte Maillot. En cette année 1868, elle continue au delà de Paris jusqu'au Pont de Neuilly et franchit la Seine jusqu'au rond-point de Courbevoie. En tout dix kilomètres absolument rectilignes. Curieuse coïncidence c'est dans cet axe que le soleil se couche le soir du 5 mai (date du décès de Napoléon Ier).
Retournons vers la façade qui s'étend côté jardin sur 328,39 m. Elle se compose de neuf corps de bâtiments dont huit symétriquement repartis de part et d'autre du pavillon Central large de 22 m. Adjacents au pavillon central les deux édifices, chacun large de 46 m formaient le Château de Catherine de Médicis, puis un pavillon large de 25 m suivi d'un bâtiment de 50 m contigu à un pavillon d'angle large de 32 m derrière lequel parte une aile. La profondeur varie suivant les bâtiments elle se situe entre 20 m et 24 m. A part le Pavillon Central et les deux pavillons extrêmes, les bâtiments possèdent deux étages dont un sous attique. Suivant les bâtiments la toiture intègre deux ou trois étages dans les combles.
Cette façade n'est pas uniforme dans le style décoratif mais elle reste harmonieuse dans ces lignes car les architectes ont respecté un certain ordonnancement. Les Tuileries - comme le Louvre - offrent à l'oeil des différences qui reflètent les étapes de leur construction, mais qui s'intègrent avec une harmonie indéniable.
Ces différences dans l'harmonie, on les retrouve entre les quatre espaces qui encadrent le Palais avec :
un espace minéral avec la cour et la place du Carrousel,
un espace végétal avec le jardin de Le Nôtre,
une voie minérale avec la rue de Rivoli,
une voie d?eau avec la Seine.
A l'Est, l'espace minérale est magnifié par la présence du Palais du Louvre, à l'Ouest l'espace végétal est magnifié par la Concorde et la partie arborée des Champs Elysées. Bien au delà du site : l'Hôtel de la Monnaie, le Palais de l?Institut, l'Hôtel des Caisses et des Dépôts, le Palais d?Orsay abritant la Cour des Comptes, le Palais de la Légion d'Honneur, le Palais Bourbon, l?Hôtel de Crillon, l?Hôtel de la Marine, l?ensemble architectural des édifices de la rue de Rivoli, tous visibles des fenêtres des Tuileries forment un horizon plus que somptueux à ce palais.
Fruit des plus grands architectes français, des plus notables artistes, peintres, sculpteurs, des meilleurs artisans de tous les corps de métiers, ce palais de l'Histoire de France a abrité jusqu?alors tous les Régimes que connut le pays et fut le siège du pouvoir central depuis 1789.
Hervé SECCHI-JAMES