Une fois la démolition votée par le Parlement, les ruines parfaitement restaurables du Palais des Tuileries furent vendues à une entreprise de démolition : la société Picart. Celle-ci fit au passage une belle affaire puisqu?elle obtint ces ruines aux enchères pour un prix modique.
Cette vente se déroula début décembre 1882 et l?entreprise Picart commença l??uvre de destruction immédiatement. Elle l?acheva rapidement puisqu?à la fin de septembre 1883, soit neuf mois plus tard, il ne restait rien des Tuileries si ce n?est quelques pierrailles éparses dans l?ancienne Cour du Carrousel qui n?en était d?ailleurs plus une.
La société Picart rentabilisa son entreprise de démolition en vendant les nombreux éléments architecturaux remarquables qui subsistaient. Ainsi furent disloqués les restes d?un patrimoine français de tout premier ordre. Certaines parties du Palais furent expédiées dans toute la France et même à l?étranger, en Suisse notamment. Par exemple le quotidien le Figaro acheta les marbres des cheminées du Palais afin de faire des presse-papiers pour ses abonnés.
Le fils du comte Pozzo Di Borgo, grand ennemi de Napoléon Ier, fit acheter quatre grands pans de murs du Palais et les fit transporter à grands frais en Corse afin de se faire bâtir un château à La Punta sur les hauteurs d?Ajaccio. On était donc en présence d?une vendetta corse où le fils racheta la demeure incendiée de l?ancien ennemi de la famille pour se construire sa propre demeure. Au delà de cet acte, cela aura au moins permis la conservation en France d?une importante partie du Palais.
Picart, pour sa part, s?attribua le fronton Est du pavillon central qui couronna l?entrée de la société durant de très nombreuses années tel un trophée.
Le Gouvernement mandata deux personnes qui furent chargées de se procurer des éléments de mur qu?il dispersa ensuite dans la Capitale. Ainsi on peut trouver, en se promenant, quelques vestiges des Tuileries :
Au Jardin des Tuileries
Dans le Jardin, deux travées du rez-de-chaussée côté jardin furent remontées au bout de l?esplanade des Feuillants contre la terrasse du Jeu de Paume. Nous avions une des célèbres arcades de Philibert De L?Orme et une travée encadrée de colonnes ioniques de Jean Bullant. Malheureusement les intempéries et la pollution dégradaient ces vestiges et ils furent démontés lors de la réhabilitation du Jardin en 1993. Ils sont à présent entreposés dans un hangar de fortune le long de la Terrasse du Bord de l?Eau, loin des yeux et oubliés de tous.
Voici le lieu de stockage des deux arcades des Tuileries le long de la terrasse du Bord de l?Eau (Photo G.CRIEF)
Au Jardin sud du Trocadéro
Dans ce jardin subsiste une travée du rez-de-chaussée côté cour, elle aussi construite du temps de Catherine de Médicis par De L?Orme. Elle est très belle et l?on peut encore voir les détails de la décoration qui faisait tout le charme du style du grand architecte de la Renaissance française.
La travée se trouvant au Trocadéro conserve les stigmates de l?incendie (Photo G.CRIEF)
Au square Georges Cain
Ce coin de verdure au milieu du Marais expose le magnifique fronton est du pavillon central qui fut placé ici par la Ville de Paris après la démolition des anciens bâtiments de la société Picart. On peut tout de même regretter le voile indéchirable que crée le lierre, masquant ainsi ce reste des Tuileries.
Le fronton est du Pavillon Central que l?on devine à peine sous l?épais feuillage (Photo G.CRIEF)
Au Louvre
Quelques statues qui couronnaient les deux frontons du pavillon central et qui avaient été essaimées ont été rachetées par le Louvre. Elles sont exposées dans le hall Charles V entre les deux escaliers conduisant aux jardins du Carrousel. On a de gauche à droite : le Conseil, la Valeur, la Prudence, la Religion et la Sincérité.
Le Louvre expose dans les espaces du Carrousel cinq des seize statues qui ornaient le Pavillon Central des Tuileries
(Photo G.CRIEF)
Au musée des Arts-Décoratifs
Cette institution acquit également son morceau des Tuileries. Il est intéressant de constater que l?acquéreur de cette partie fut l?instigateur du projet de démolition des ruines des Tuileries. Peut-être voulait-il lui aussi un trophée pour son acte de vandalisme.
A l?Ecole Nationale des Ponts et Chaussées
Dans une cour de l?hôtel de Fleury, siège de l?administration de l?école des Ponts et Chaussées, se trouve une magnifique arcade de Philibert De L?Orme, parfaitement conservée.
A l'Ecole Spéciale d'Architecture
Dans le jardin de cette grande école, boulevard Raspail (6ème arrondissement), nous pouvons trouver quelques beaux vestiges du Palais disparu.
A l?Ecole des Beaux-Arts
La cour de cette grande école d?art renferme elle aussi quelques vestiges des Tuileries au milieu de nombreux autres éléments provenant également d?édifices disparus.
Guillaume Crief