Après
son départ des Tuileries, Louis XV n'y revint que pour deux
brefs séjours. Mais l'absence royale fut compensée par
de nombreux spectacles donnés dans la Salle
des Cent-Suisses et dans la Salle des
Machines. Les Tuileries deviennent durant cette période
le réceptacle des Arts lyriques et il fut l?un des foyers de
diffusion de la philosophie contestataire des Lumières.
La première entreprise de concerts d?Europe fut créée aux Tuileries en 1725, à l?initiative d?Anne Danican Philidor : il s?agissait du Concert spirituel. Il s?installa dans la Salle des Cent-Suisses, située au premier étage du pavillon central des Tuileries. Les grands noms de la musique classique s?y produisirent. On ne citera ici que Mozart qui créa pour l?occasion la Symphonie n°31 dite « la Parisienne », ou encore Haydn avec la Symphonie des Adieux.
Le
Concert spirituel acquit rapidement une
renommée internationale et constituait une activité
culturelle de premier plan pour le palais des Tuileries. Ces concerts
continuèrent jusqu?aux premières heures de la
Révolution où le retour de Roi empêcha la société
de poursuivre ses activités.
L?architecte Jean-Nicolas Servandoni était le créateur de spectacles d?un genre nouveau : il s?agissait de dioramas présentant des vues de décors en perspective. Pour se faire il obtint la permission d?utiliser la Salle des Machines, dont l?immense scène convenait à merveille à la conception de tels spectacles.
Ces spectacles se déroulèrent dans un premier temps de 1738 à 1742, et ils eurent un succès relatif. Le premier spectacle fut une vue de la basilique Saint-Pierre de Rome mais le rendu paraissait trop statique, c?est pourquoi on ajouta des pantomimes et de la musique lors du second spectacle, la boîte de Pandore. Malheureusement les foules ne se pressèrent pas pour voir ces spectacles.
Lors d?un second essai, entre 1754 et 1758, les spectacles étaient bien plus élaborés mettant en scène des animaux, des effets pyrotechniques et des jeux de lumière. Les décors étaient généralement remarquables et parfois signés de la main de grands maîtres de la peinture comme Natoire ou Boucher. Après un certain enthousiasme, les spectateurs se firent de plus en plus rare, ce qui provoqua l?arrêt définitif de ces spectacles. On peut tout de même noter un effort de créativité de Servandoni qui créa un nouveau genre de spectacle.
L?Opéra
La Salle des Machines, laissée libre par Servandoni, fut occupée cinq ans plus tard par l?Opéra qui cherchait une salle où se produire après l?incendie de la salle du Palais Royal. La nouvelle Salle des Spectacles fut rapidement construite dans l?ancienne scène, ce qui permit à la célèbre troupe de recouvrer de bonnes conditions de représentation.
De nombreux opéras furent créés aux Tuileries et ils se jouaient en alternance avec les grands classiques de l?époque. Le succès était bien sûr au rendez-vous et jamais il ne se démentit du fait du prestige de cette institution qu?était l?Opéra français.
La troupe partit des Tuileries au début de l?année 1770 pour intégrer une salle provisoire au Palais Royal. C?est désormais la Comédie-Française qui allait rapidement investir les lieux.
La Comédie-Française
La célèbre Comédie-Française arriva aux Tuileries trois mois après le départ de l?Opéra en avril 1770. Le passage de la troupe aux Tuileries fut une période brillante et durant ces douze années, de nombreux évènements marquèrent à jamais les lieux.
La Comédie-Française était un vecteur majeur de diffusion de la philosophie des Lumières. Ainsi en 1775, Beaumarchais y présenta le Barbier de Séville, et en 1778, Voltaire assista à son triomphe lors de la représentation d?Irène.
Ce triomphe de Voltaire par les comédiens fut certainement la scène la plus admirable que connut la Salle de Spectacles des Tuileries. Il s?agissait de la consécration de la contestation sur un absolutisme déliquescent.
Cependant, cela n?empêchait aucunement la Reine Marie-Antoinette et le reste de la famille royale d?assister aux représentations de la Comédie. C?est d?ailleurs le Comte d?Artois, futur Charles X, qui alla saluer Voltaire après le triomphe.
Le répertoire de la troupe fut considérablement agrandi par les nombreuses créations qui ponctuèrent cette brillante période. La Comédie-Française quitta les lieux en avril 1782 pour l?actuelle salle de l?Odéon.
Le Théâtre de Monsieur
De 1788 à 1789, la Salle de Spectacles fut l?écrin d?un opéra-bouffe italien créé par le coiffeur de la Reine Marie-Antoinette, Leonard-Alexis Autié. C?est évidemment la protection de la Reine qui lui valut le droit d?utiliser cette salle en échange d?un dédommagement auprès de l?Académie royale, qui était réticente à l?idée d?avoir de la concurrence.
Cette création prit le nom de Théâtre de Monsieur car le comte de Provence, futur Louis XVIII, lui accorda son soutien.
Leur passage aux Tuileries ne fut que de courte durée puisque le retour du Roi aux Tuileries en octobre 1789 contraignit la troupe d?artistes italiens à se produire ailleurs, dans la salle de la foire Saint-Germain.
Guillaume CRIEF