Cet appartement au décor Grand Siècle est constitué de cinq pièces en enfilade depuis la Salle des Cent-suisses jusqu?au pavillon de Flore. Ces pièces s?ouvrent côté cour et elles ont une largeur de 9, 75 m pour une hauteur approximative de 7,15 m. La décoration de cet ensemble remarquable dura de 1664 à 1671.
Nous avions de l?immense Salle des Cent-Suisses au pavillon de Flore :
la Salle des Gardes du Roi
la Grande Antichambre du Roi
la Grande Chambre de Parade du Roi
le Grand Cabinet du Roi
la Galerie des Ambassadeurs ou Petite Galerie
La Salle des Gardes du Roi
Cette première pièce était la plus longue si l?on omettait la Galerie qui achève l?Appartement. Elle mesurait 22,75 m de long et elle était éclairée par six fenêtres côté cour et par six fenêtres sur la terrasse donnant sur le jardin.
Comme l?indique sa dénomination, cette pièce était réservée aux gardes du Roi qui s?y tenaient en permanence. Ainsi, on a voulu que la décoration du lieu s?accorde avec la fonction. On pouvait voir un beau plafond à voussures surmontant une corniche, réalisé et peint par Nicolas Loyr. Se trouvaient quatre tableaux en camaïeux représentant des fonctions militaires : une Marche d?armée, une Bataille, un Triomphe et un Sacrifice dans un camp. Aux quatre angles de ce beau plafond se tenaient quatre autres toiles décrivant chacune une vertu du soldat : la Force, le Fidélité, la Prudence et la Valeur. Le tableau central du plafond, La Renommée et la Libéralité, mettait en scène plusieurs allégories dans un ciel ouvert et dont l?une figurant la Récompense porte une corne d?abondance et une autre représentant la Renommée sonne la trompette de la gloire. A ces deux personnages s?en ajoutaient d?autres dispensant palmes et couronnes de lauriers.
Le message de cette composition était clair. Il indiquait aux soldats ce que le Roi attendait d?eux et des bienfaits qu?ils auraient en récompense : la gloire et l?abondance.
La Grande Antichambre du Roi
Cette pièce ouvrait réellement l?Appartement du Roi. Elle avait jour, comme la Salle des Gardes du Roi, à la fois sur la cour et sur le jardin, mais il n?y avait que quatre fenêtres de chaque côté et non six. La Grande Antichambre mesurait 16,25 m de long, ce qui lui offrait de belles dimensions.
Le décor est très riche et les toiles peintes furent réalisées par l?atelier de Nicolas Loyr. Quatre peintures étaient présentes au dessus des quatre doubles portes, elles représentaient les arts et les sciences avec : les Mathématiques, la Musique, la Symphonie et la Peinture. La peinture centrale au plafond figurait Apollon sur son Char, baigné de lumière, qui se lève pour rayonner de toute part. Le Temps, une clepsydre en main, donne la mesure de temps qui passe et il est accompagné d?un enfant ayant le plan d?un édifice. Toujours sur la même toile, deux personnages assis sur des nuages dont une femme vêtue de pourpre qui tient un serpent se mordant la queue (insigne de Colbert) où est inscrit l?année « 1668 », et une homme drapé de vert. Les quatre saisons sont aussi représentées par des enfants et des animaux, ce qui faisait de cette toile une ?uvre variée et admirable. Pour terminer avec le décor peint, quatre tableaux étaient présents dans les voussures, encadrés d?éléments en stuc. Ils présentaient sur un fond doré, les quatre parties du jour.
Les lambris de bois sculpté sur les murs étaient dorés avec une finesse remarquable et présentaient les devises chères à Louis XIV comme « Nec Pluribus Impar ». L?ensemble était l??uvre de Charmeton.
Ainsi, cette pièce possédait un message politique de part les devises du Roi mais également la vision du nouvel ordre instauré par Louis XIV où les Arts et les Sciences étaient placés sous l?autorité du souverain. Les éléments centraux du plafond semblaient être une évocation de la volonté de Colbert à attirer l?attention du Roi sur la nécessité d?achever le palais des Tuileries dont il commençait déjà à se désintéresser en faveur de Versailles.
La Grande Chambre de Parade du Roi
Cette Chambre était de la même longueur que la Grande Antichambre. Par contre elle n?était éclairée que sur la cour et par trois fenêtres.
Pour la décoration de cette pièce, il y avait cinq grandes tentures. Le plafond, dans le même style que les autres pièces de l?Appartement, était décoré d?une corniche dorée et de stucs par Lerambert, mais aussi d?enfants et d?allégories de l?Histoire et de la Renommée, ?uvres de Girardon, placées aux angles. La peinture centrale présente La Religion veillant sur la France. Le lit de parade était bien sûr isolé du reste de la pièce par une balustrade.
Cette pièce était la plus symbolique de l?Appartement de Louis XIV, d?autant plus qu?elle possédait, de part sa fonction et sa décoration, un caractère sacré.
Le Grand Cabinet du Roi
Cette pièce où se tenaient les conseils mesurait 12 m de long et s?éclairait par deux fenêtres sur cour.
La décoration des murs était faite de quatre tapisseries des Gobelins racontant l?histoire de Médée et de Jason. Trois des quatre portières figuraient les saisons et la dernière les éléments. Toutes ces tapisseries des Gobelins étaient encadrées de pilastres corinthiens de bois doré et l?on pouvait remarquer une belle cheminée. A ceci s?ajoutaient six sublimes dessus de portes identiques de bois sculpté présentant un vase couronné, estampillé des deux « L » entrelacés, et décoré de guirlandes tombantes. Les portes de ce cabinet étaient également sculptées avec le plus grand soin. Les voussures étaient magnifiquement parées de belles allégories de stuc figurant la Guerre et l?Abondance.
Ainsi la décoration très riche de cette pièce, la plus petite de l?Appartement devait peut-être symboliser la grandeur et l?opulence de la France dans ce lieu où se prenaient les grandes décisions et où l?on parlait notamment de guerre. Cependant, la décoration ne fut jamais achevée puisque la partie centrale du plafond n?avait reçu aucune décoration.
La Galerie des Ambassadeurs ou Petite Galerie
Cette galerie reliait la Grand Cabinet au pavillon de Flore. Elle donnait sur la cour par six fenêtres, ce qui est peu par rapport à sa longueur de 52 m. Elle servait, comme son nom l?indique, à la réception des ambassadeurs des puissances étrangères.
La décoration de la Galerie est, de part sa fonction, très riche. Entre les fenêtres d?un côté et entre les portes de l?Appartement de la Reine de l?autre côté, se trouvaient huit tapisseries présentant : la Fête de Pan, l?Hiver, Latone, la Fête de Flore d?un côté puis la Danse des Bergers, la Toilette de Psyché, le Bain de Psyché et la Danse de Psyché de l?autre côté. Le plafond à trois pans était décoré dans la partie centrale de neuf tableaux copiés à Rome dans la galerie Farnèse par Mosnier, Corneille le Jeune, Vouet fils et Bonnemer. Nous avions depuis la porte donnant sur le Grand Cabinet jusqu?à la porte donnant vers le pavillon de Flore : le Triomphe d?Amphitrite, Galatée, Andromède, Diane et Calisto, le Triomphe de Bacchus, Mercure et Pâris, la Tête de Méduse, Ulysse et Polyphème, et l?Aurore.
Dans les deux pans inclinés du plafond se trouvaient un mélange de 10 copies de tableaux de la galerie Farnèse, ?uvres d?Annibal Carrache, avec également 8 ?uvres originales. Ces deux séries de peintures présentaient une alternance de toiles rectangulaires et rondes. Du côté fenêtre de l?entrée de la galerie vers Flore, il y avait Mars et Vénus, Daphnée et Chloé, Ceyx et Alcyone, Pan et Syrinx, Vénus et Vulcain, Deucalion et Pyrrha, Philemon et Baucis, Hero et Léandre, Mars et Vénus. De l?autre côté on voyait : Diane et Calisto, Apollon et Marsyas, Amphitrite, Dédale et Icare, Jupiter et Junon, Europe, Léda, Pan et l?Amour, L?Amour et Psychée. Ces tableaux étaient des chefs-d??uvre de la Renaissance italienne, c?est pourquoi Colbert ordonna aux meilleurs artistes de l?Académie de Rome de copier ces tableaux, afin d?avoir ces chefs-d??uvre en France.
A chaque extrémité de la Galerie, se trouvaient d?immenses glaces encadrées de deux colonnes de stuc supportant des sculptures en ronde bosse. Au-dessus de ces miroirs, se tenaient côté Grand Cabinet, une toile représentant Diane et Endymion et du côté pavillon de Flore, Hercule, toutes deux copies de Carrache. Les quatre dessus de porte mettaient en scène des amours, ?uvres de Nicolas Loyr.
En fait, cette Galerie était un véritable chef d??uvre même si elle était composée d?un grand nombre de copies. De plus elle mélangeait des ?uvres italiennes et des ?uvres originales de l?Ecole française, signifiant que Louis XIV considérait les nouveaux artistes français à la mesure des gloires italiennes.
Guillaume CRIEF